L’absence de filiation militaire n’empêche pas la vocation pour le métier des armes. Celle de Michel Roquejeoffre est précoce: à l’âge de 10 ans déjà, il veut être officier.
Si personne dans la famille ne le pousse dans cette voie, les récits de son grand-père et de son père l’influencent fortement. C’est que l’un et l’autre ont plus que rempli leurs obligations envers la patrie. Grièvement blessé en 1917, l’aïeul choisit de retourner au front où il vivra la fin de la Grande Guerre. Quant au père, chirurgien, il est volontaire pour effectuer son service militaire au Maroc, dans une infirmerie située au cœur de la zone rebelle.
À ces modèles de courage et de loyauté s’ajoute une rencontre décisive, celle d’un lieutenant du génie parachutiste largué sur Cao Bang et Langson, en pleine guerre d’Indochine.
Quand il intègre Saint-Cyr, Michel Roquejeoffre s’est déjà fait remarquer pour son aptitude au commandement dans les mouvements de jeunesse auxquels il adhère. En 1954, le sous-lieutenant Roquejeoffre choisit l'arme du génie. Sa carrière se partagera entre la troupe (principalement le Génie parachutiste), les états-majors et les études. Lors de l’opération Daguet, le général Roquejeoffre est désigné pour prendre le commandement des forces françaises en Arabie Saoudite.
La force Daguet est alors constituée des soldats les plus expérimentés de l'armée française, issus de toutes les armées et de tous les services. La majorité d'entre eux a déjà connu des expériences similaires et s’est entraînée sur des territoires au climat et au relief identiques. Endurants, psychologiquement forts, ces soldats réunissent toutes les qualités pour supporter l’attente, évoluer dans un environnement éprouvant, et combattre. Ils bénéficient de surcroit du soutien quasi unanime de la population française, ce qui constitue une heureuse surprise pour les anciens qui ont encore en mémoire l’hostilité affichée lors des guerres d'Indochine et d'Algérie.
Des moments de grande tension vécus au début de l’année 1991, le général Roquejeoffre retient une heure en particulier, plus longue que toutes les autres. Alors que débute la phase aérienne de l’opération Tempête du désert, douze Jaguars quittent la base d’El Asha avec pour objectif la destruction de l’aérodrome d’Al Jaber, au centre du Koweït. Au retour, deux avions sont portés manquants. Il faudra près d’une heure pour les retrouver. « Pendant une heure, j’ai pensé que nous avions nos deux premiers morts dans cette opération, et j’en étais très affligé. Je fus soulagé et heureux d’apprendre qu’ils étaient vivants, malgré la blessure d’un des deux pilotes. »
Vingt ans plus tard, le général Roquejeoffre est toujours fier d'avoir été le chef de ces hommes courageux et compétents. L’expérience a conforté cet adepte de la professionnalisation dans ses convictions: la réussite d’un engagement repose sur la compétence, l’expérience et la cohésion, trois composantes que seule une armée de métier aura eu le temps d’acquérir.