Né dans une famille issue de l’immigration russe, son père ayant du quitter la Russie après la défaite des armées blanches, Hubert Ivanoff grandit dans un milieu propice à la vocation pour le métier des armes. Ses parents entretiennent un fort sentiment de reconnaissance pour le pays qui les a accueillis et transmettent à leurs enfants le respect de leur nouvelle patrie et la volonté de la servir.
Cette influence se poursuit durant toute la scolarité du jeune garçon: parmi les Pères et professeurs de l’Externat Notre Dame on compte d’anciens résistants, des combattants de la bataille de Narvik, des combats de Namsos… autant d’exemples de fidélité, de courage et d’abnégation. Mais la vocation qui s’éveille n’est pas qu’enthousiasme et rêves d’aventures, elle se heurte aussi aux réalités: Hubert Ivanoff a 13 ans lorsque son frère Alain, jeune lieutenant du 5e REI très estimé de ses hommes, est tué en Algérie au cours d’une opération dans l’Ouarsenis oriental.
Quand Hubert Ivanoff intègre Saint-Cyr, en 1965, il a 19 ans. Bien des années plus tard, quittant le service actif, il dira avoir trouvé dans l’armée ce qu’il était venu y chercher. L’aventure opérationnelle bien sûr, cette manière très concrète de servir, et dans ce domaine il est particulièrement gâté grâce à ses affectations au 1er REC, notamment lors de l’opération Tacaud, au Tchad, en 1978-1979. Une formation solide également, celle dispensée dans les écoles évidemment, mais aussi celle qui se transmet d’un homme à l’autre, du chef expérimenté aux subordonnés dont il a la charge et qu’il doit préparer à combattre. La diversité des emplois enfin, gage d’équilibre et de richesse: il sert en régiment, en état-major, en école, dans la communication de l’armée de Terre… œuvre comme chef de peloton, instructeur, chef de corps…
Le colonel Ivanoff commande le 1er REC depuis un an quand les troupes de Saddam Hussein envahissent l’émirat du Koweït. S’il est convaincu que c’est un conflit pour lequel son unité est tout à fait adaptée, il lui faut hélas voir partir, non seulement d’autres régiments, mais également ses propres troupes. La mauvaise humeur, la frustration et la tristesse l’envahissent. Finalement la situation s’arrange et, le 11 novembre, le 1er REC au complet s’installe dans le désert saoudien. Depuis 1962, c’est la première fois que le régiment se trouve ainsi réuni en opération hors de métropole, et il s’illustre tout particulièrement le 25 février en investissant les défenses de la base d’As Salman après une percée de plus de 60 kilomètres dans une zone difficile.
De cette aventure partagée avec des hommes qu’il connaissait bien, et certains depuis très longtemps, le général Ivanoff retient la justesse de la cause, l’importance de la préparation, la qualité des chefs et des troupes… et aussi les moments où l’humour trompe l’ennui de la longue attente dans le désert:
C’est un Noël presque comme les autres, c’est à dire un Noël passé avec la famille légionnaire, le onzième du genre, l’occasion de faire une bonne blague. Au 2e REI, un capitaine souhaite acquérir un chameau, sans que l’on sache très bien s’il s’agit de l’employer comme moyen de locomotion ou de le faire figurer dans la crèche vivante, traditionnelle en cette fin d’année. Aussitôt germe dans les esprits l’idée de profiter des origines arabes de deux légionnaires pour monter un canular. L’un des deux est déguisé en bédouin, le second jouera le rôle de l’interprète pendant un dîner auquel le capitaine sera convié. Les contacts sont bien sûrs très chaleureux et le « cheik » apparaît tout disposé à céder un de ses chameaux. Mais quand le capitaine arrive au lieu de rendez-vous, d’animal, point ! Le « cheik » a revêtu sa tenue de légionnaire et lui offre un magnifique chameau en santon de Noël. Dépité, mais beau joueur, le capitaine convie les auteurs de la blague à sa « popote ». Ainsi passe Noël 1990 dans le Golfe.