Biographie de Bernard Lafont

Adolescent, Bernard Lafont veut être médecin. De l’armée, il a surtout l’image héroïque que lui renvoient deux aïeux blessés durant la Grande Guerre. Élève au lycée Henri IV, il assiste à la conférence faite par un médecin militaire dans le cadre d’une tournée d’information. Tout s’éclaire, et le désir confus qui l’habitait a désormais une représentation concrète: il sera médecin militaire.

Bernard Lafont devient docteur en médecine en 1972, à Lyon. Il sert au 1er régiment de chasseurs parachutistes puis au 8e régiment de transmissions en qualité de médecin-adjoint. Médecin-chef au fort de Bicêtre, il est ensuite assistant de psychiatrie des hôpitaux des armées. De 1980 à 1983, il est adjoint au chef de service de neuropsychiatrie de l’hôpital des armées Sédillot, à Nancy.

Quand les troupes de Saddam Hussein envahissent le Koweït, le médecin en chef Lafont est adjoint au chef de la clinique de psychiatrie de l’hôpital du Val-de-Grâce. À 43 ans, spécialiste des hôpitaux des armées et professeur agrégé, il ambitionne raisonnablement de devenir chef de service et titulaire de la chaire de psychiatrie. Ainsi envisagerait-il sa carrière comme parfaitement réussie.

Durant l’opération Daguet, le médecin en chef Lafont est conseiller du commandement en matière d'hygiène mentale et collective, il est également psychiatre du 810e hôpital mobile de campagne et de l'HOPICAMP Daguet.

La guerre du Golfe constitue un tournant important, non seulement pour le parcours professionnel du médecin en chef Lafont, qui terminera sa carrière militaire comme directeur central du Service de santé des armées, mais également pour la spécialité qu’il représente. En effet, jusqu’en 1990, la psychiatrie dans les armées s'est essentiellement consacrée aux questions relatives à l’aptitude au service national et aux interminables débats qui en découlent. Avec l’opération Daguet, le facteur humain commence à être pris en compte dans toutes les phases de l’opérationnel: préparation, déroulement et retour. C’est le point de départ de l’intégration de la psychiatrie dans un dispositif d‘ensemble au sein des armées. En 1995, Bernard Lafont participe à l’opération Balbuzard noir, en ex-Yougoslavie, au sein de la 9e antenne chirurgicale aérotransportable. Cette seconde mission contribuera elle aussi à élaborer un corps de doctrine de l’intervention psychologique en situation d’exception, dont beaucoup de principes sont aussi appliqués dans les situations de catastrophe et diverses actions conduites par les services publics au profit de la population.

Vingt ans après la guerre du Golfe, les souvenirs de cette expérience sont nombreux. Le médecin général Lafont se remémore notamment une étrange consultation de nuit: en tournée dans la zone, les deux médecins psychiatres sont couchés sur leurs lits Picot, soigneusement enveloppés dans leurs vêtements de nuit et leurs duvets. Quand un soldat se présente soudain, avec un besoin impérieux de parler, les médecins font face à un dilemme: le renvoyer au lendemain est impensable, quant à se lever et se rhabiller, cela ne résoudrait pas la question du lieu où s’installer pour l’entretien. Puisqu’il y a urgence, la consultation se déroule ainsi, les médecins dans leurs lits, le patient debout.

Pour le médecin général Lafont, « cette image extravagante d'un monde renversé, ici le thérapeute couché et le patient debout, c'est bien une illustration de l’effet d'optique que la situation de guerre engendre sur les choses humaines. Je pense que beaucoup d'autres l'ont vécu à leur façon et dans leur domaine. Alors, donner ou redonner du sens, voilà la question qui prévaut. Car c'est ce qui confère, en toute circonstance, sa dignité à la mission du soldat. »