Jamais, Bernard Janvier n’aurait imaginé avoir un jour la chance et l’honneur de commander une division au combat.
Si dans la famille on sert la France depuis trois générations, le choix pour le métier des armes est bien personnel. Au patriotisme familial s’ajoute le rayonnement de saint Michel, patron des parachutistes…et de l’église du village, mitoyenne de la maison dans laquelle il grandit. Le contexte historique exerce aussi son influence: c’est sous le soleil algérois que Bernard Janvier passe le bac et prépare le concours qui lui permet d’accéder à Saint-Cyr.
En juillet 1960, tout à ses rêves de combat, le sous-lieutenant Janvier choisit l’infanterie. Après quelques semaines d’une rude préparation, et puisqu’il n’y a pas de place ouverte pour la Légion ou les parachutistes, il opte pour le 1er régiment de tirailleurs, unité entièrement professionnalisée. Le commandement d’une section de commandos de chasse le plonge dans un immédiat sans rêves: l’engagement des harkis est intense et c’est avec douleur que le jeune officier doit un jour quitter ces valeureux guerriers pour un commandement plus classique, celui d’une section en poste isolé. Les temps sont difficiles et les équipements d’une autre époque, mais alors que tout inciterait à l’abandon, le sous-lieutenant Janvier peut compter sur ses hommes, harkis et tirailleurs, tous dévoués et exemplaires.
Le passage du djebel aux salles de cours de Saint-Maixent est brutal et laisse un mauvais souvenir. Aux embuscades et coups de main succède l’apprentissage du combat blindé-mécanisé sous menace nucléaire. L’ambiance est détestable et le retour en Algérie vécu avec soulagement. Le lieutenant Janvier y rejoint un 2e REP qui se reconstruit après les turbulences du putsch. Comme aux temps de la vieille Légion, le camp est bâti à la pelle et à la pioche, belle école de formation qui ne néglige pas l’entraînement au combat. Bien au contraire, il est d’autant plus intense que le 2e REP innove en matière de combat aéroporté.
Ce sont ensuite Madagascar et Les Comores, préludes à bien d’autres séjours outre-mer, avant que lui soit confié le commandement d’une compagnie d’instruction, au 9e RCP. L’expérience est enrichissante et unique dans la carrière de Bernard Janvier: de jeunes appelés, pour la plupart non volontaires, il doit faire des parachutistes. Il forme ensuite des officiers, à Saint-Cyr, avant d’être lui-même stagiaire à l’école supérieure de guerre.
Jeune chef de bataillon, il occupe un poste de rédacteur à l’état-major de l’armée de Terre et propose un plan global en faveur des engagés. Déjà, il est convaincu de la nécessité de la professionnalisation d’une division blindée. Nous ne sommes alors qu’en 1977 !
Deux ans plus tard, au Tchad, Bernard Janvier assume le commandement du groupement interarmes Phénix, lors de l’opération Tacaud. C’est la seule force présente à N’Djamena quand éclatent des combats entre les partisans de Goukouni Oueddeï, président de la République, et ceux d’Hissène Habré. Les soldats français évacuent la population étrangère sous les rafales, une expérience qu’ils vivront souvent par la suite.
Le colonel Bernard Janvier prend le commandement du 2e REP le 31 juillet 1982. Quelques jours plus tard, le régiment est engagé au Liban dans le cadre de la Force multinationale. Parfaitement préparés au combat, les parachutistes s’adaptent à leur mission d’interposition. Mais, comme des années plus tard en ex-Yougoslavie, l’abandon des positions se vit avec la certitude qu’aux départs vont succéder des drames. C’est ensuite le Tchad et l’opération Manta, avec un groupement préfigurant les GTIA d’aujourd’hui et l’engagement des hélicoptères, comme pour Daguet. Au grand regret des militaires français, les forces libyennes lancées dans une offensive sont interceptées par les unités tchadiennes.
Affecté à la 6e DLB, à Nîmes, le colonel Janvier y aborde le commandement des unités légères blindées et vit au plus près l’esprit qui anime ces régiments. À l’allant, la générosité et une profonde camaraderie s’ajoutent les valeurs professionnelles les plus élevées. C’est à ces entraînements, sans failles ni concessions, que l’opération Daguet doit sa brillante réussite, « déjà inscrite dans l’esprit et la valeur de ces hommes ».
En septembre 1989, l’homme de terrain est surpris de se voir confié le commandement de la division « Organisation - Logistique » à l’état-major des armées. Le général Janvier accède ainsi à un domaine étendu et varié, trop souvent méconnu. Mais certainement n’est-il pas mécontent d’y être rattrapé par l’opérationnel. En effet, après l’évacuation des Français de Port-Gentil, en mai 1990, c’est le déclenchement de la guerre du Golfe, quelques mois plus tard.
Dès les premières heures, le général Janvier est impliqué dans les décisions de commandement qui conduisent à la projection des forces et à leur préparation au combat. Puis, après l’hospitalisation du général Mouscardès, de la planification il entre directement dans l’action. Le 8 février 1991, alors âgé de 51 ans, le général Janvier prend le commandement de la division Daguet. Nous sommes à la veille de l’offensive terrestre.
Après le conflit, le général Janvier commande la 6e DLB jusqu’en 1993, puis se voit confié un nouvel enjeu, la création de l’état-major de planification opérationnelle. Il est ensuite désigné pour prendre le commandement des Forces de paix en ex-Yougoslavie. À la tête de près de 42 000 hommes, il vivra avec eux de terribles drames, mais connaîtra aussi la satisfaction de voir la paix s’imposer.
Nommé ensuite directeur de l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN) et du Centre des hautes études militaires (CHEM), il quitte le service actif le 31 décembre 1998.