Né dans une famille de militaires, Yves Derville perçoit très jeune ce que représente véritablement le sacrifice pour la patrie. En 1916, son grand-père paternel est tué lors de l’offensive de la Somme en montant à l’assaut à la tête de sa compagnie; son fils naitra un mois plus tard.
Yves Derville s’oriente tout naturellement vers le métier des armes, choix qui le comblera tant l’exercice de chacun des postes qui lui sont confiés lui procure joies et satisfactions. Successivement chef de section d’appelés au 7e RI et chef de section de légionnaires au 2e REI et au 5e RMP, il prend ensuite le commandement de la prestigieuse compagnie d’instruction des cadres de la Légion étrangère au sein du RILE de Castelnaudary, rebaptisé ensuite 4e RE. Son passage à l’École d’application de l’infanterie de Montpellier fait partie des souvenirs inoubliables: il y connaît le privilège de préparer les sous-lieutenants à leurs responsabilités futures. Simultanément, il prépare l’École de guerre; il rejoint l’École militaire en 1983. Deux ans plus tard, il retrouve avec joie le 2e REI où il sert en qualité de chef du bureau opérations instruction. Affecté en 1987 à l’EMAT, il s’y consacre à l’amélioration de la condition du personnel de l’armée de Terre. En 1990, le colonel Derville prend le commandement du 2e REI. À 46 ans, c’est une consécration.
Deux mois ne se sont pas écoulés qu’il quitte Nîmes à la tête de son régiment presque au complet. Seule manque une compagnie motorisée partie avant l’été intervenir au Gabon. De date de retour, il n’est pas encore question, tant l’issue du conflit est incertaine et la menace chimique inquiétante. Partir ainsi en guerre avec tous ses hommes, au sein d’une immense coalition internationale, jamais le colonel Derville n’aurait imaginé commencer ainsi son commandement. L’opération Daguet reste d’ailleurs le moment le plus fort de sa vie d’officier. Le terrain est immense, les moyens illimités, les commandants de division exceptionnels et le rapport de force en faveur de la coalition. Pourtant, il demeure impossible de savoir de quoi seront fait les lendemains tant la menace chimique, insidieuse, procure à tous un sentiment de vulnérabilité dont il est difficile de se défaire. Cette sensation, expérience unique et difficile à partager, lui permet de mieux comprendre les récits des Poilus qui durent, en plus des horreurs quotidiennes, affronter les gaz avec des moyens dérisoires.
Le retour en France signifie donc la fin de la hantise du chimique. Le soulagement est tel que pour le colonel Derville les années qui suivent constituent un véritable luxe.
Après trois années passées à Aubagne au poste de chef d’état-major du COMLE, le colonel Derville renoue avec l’ambiance opérationnelle, en ex-Yougoslavie puis à Djibouti. Promu officier général en 1999, il termine sa vie militaire à l’état-major de la région de Lyon, où il avait servi avant d’entrer à l’École de guerre.